FOURMIS ET REQUIN

Une fourmi coupe-feuille se protège avec une armure biominérale

AFP24/11/2020 à 18:32

Une fourmi travailleuse Acromyrmex echinatior (G) affronte une Atta Cephalotes, le 23 novembre 2020 à l’université de Wisconsin-Madison dans le Wisconsin 23 novembre 2020 ( University of Wisconsin-Madison / Caitlin M. Carlson )

 

Une espèce de fourmi coupe-feuille se protège des attaques de fourmis soldats avec une véritable armure biominérale, à base de calcite enrichie de magnésium, encore jamais découverte chez les insectes, selon une étude parue mardi.

Vue de près, Acromyrmex Echinatior a un aspect aussi impressionnant que son nom, avec un exosquelette ponctué d’épines. L’espèce, endémique en Amérique latine, est pourtant bien inoffensive.

Ses travailleuses, de la caste des « major », collectent des morceaux de feuilles fraîches, qui une fois mâchés dans le nid par les simples ouvrières, nourrissent une culture de champignons dont leur progéniture fait bombance.

Cette culture et les larves de fourmis sont prisées par d’autres fourmis, prédatrices comme les légionnaires ou des éleveuses de champignons.

Par exemple, elles sont « occasionnellement sujettes aux attaques de la caste des soldats de grande taille » de l’espèce Atta cephalotes, explique l’étude publiée par Nature communications.

 

Atta Cephalotes (D) affronte une Acromyrmex echinatior, le 23 novembre 2020 à l’université de Wisconsin-Madison dans le Wisconsin ( University of Wisconsin-Madison / Caitlin M. Carlson )

 

Atta cephalotes devrait avoir l’avantage, grâce à de « puissantes mandibules enrichies de zinc » et une taille d’environ 10 mm, contre 6 mm pour Acromyrmex echinatior.

– Malheur à Atta –

Mais cette dernière a une parade, comme l’ont découvert les microbiologistes chinois, Hongjie Li, et américain, Cameron R. Currie, à l’Université de Wisconsin-Madison. Son corps est « couvert d’une très mince couche blanche », a dit à l’AFP le Pr. Currie, en expliquant que son collègue chinois, chercheur à l’Université chinoise de Ningbo, l’avait « identifiée comme étant biominérale ».

Elle est faite de carbonate de calcium –qui forme par exemple le squelette du corail ou la coque des coquillages– mais enrichi de magnésium. Un cocktail « très rare chez les animaux, trouvé uniquement sur nos fourmis et sur les dents d’oursin », selon le Pr. Currie.

 

 

 

L’exosquelette d’une fourmi Acromyrmex echinatio, 23 novembre 2020 à l’université de Wisconsin-Madison dans le Wisconsin ( Smithsonian Institution / Eugenia M.Okonski )

 

Les chercheurs ont supposé que ce biominéral « améliore la robustesse de l’exosquelette de la fourmi ». Pour s’en assurer, ils ont élevé des spécimens d’Acromyrmex echinatior d’une façon empêchant la formation de leur armure.

Ils ont alors soumis les fourmis, avec et sans armures, à des essais de nanoindentation, qui mesure la résistance à une pointe de l’ordre du milliardième de mètre. Résultat sans appel: elle était jusqu’à plus du double quand l’exosquelette de la fourmi est protégé par son biominéral.

Et malheur à Atta cephalotes, qui n’en dispose pas, quand elle s’en prend à Acromyrmex echinatior. Les chercheurs en ont apporté la preuve in vivo, en confrontant les deux espèces dans des « expériences d’agression, mimant des +guerres de fourmis+ pour un territoire », selon l’étude.

« Quand les Acromyrmex (echinatior major) sont sans armures, les soldats Atta (cephalotes) les coupent rapidement en morceaux, littéralement », dit le Pr. Currie. A l’inverse, quand elles en sont pourvues, leur adversaire a succombé à quasiment chaque duel.

– Fourmis cultivatrices –

Les chercheurs supposent que cette protection vaut aussi contre certains pathogènes.

Les spores de certains champignons ont la particularité désagréable d’installer des infections en pénétrant l’exosquelette des fourmis. Exposées à un tel fléau, les représentantes d’Acromyrmex echinatior dénuées d’armures sont mortes en quatre jours, alors que les autres ont pu résister jusqu’à six jours.

 

Atta cephalotes (en haut) succombe à quasiment chaque duel face à Acromyrmex echinatior le 23 novembre 2020 à l’université de Wisconsin-Madison dans le Wisconsin ( University of Wisconsin-Madison / Caitlin M. Carlson )

 

Les auteurs de l’étude ont établi que la fourmi se dotait de son armure rapidement après le stade de la nymphe, la couche biominérale, constituée de minuscules cristaux, apparaissant au bout de huit jours avant de s’endurcir.

Le phénomène n’a pas été documenté dans d’autres insectes. Mais les auteurs l’ayant constaté sur une espèce très étudiée, ils suggèrent qu’il puisse exister chez d’autres moins connues. Le Pr. Currie « pense que les (calcite) biominéraux sont probablement beaucoup plus répandus chez les insectes qu’on ne l’imagine ».

Les chercheurs concluent leur étude sur les coupe-feuilles en y voyant un parallèle avec l’agriculture humaine, qui a contraint les anciens chasseurs-cueilleurs à développer des moyens de protéger leurs récoltes.

Les fourmis cultivatrices, apparues il y a 60 millions d’année, sont passées à un mode « industriel » de production de champignon il y a 20 millions d’années.

Et même si cela parait osé, ils voient « un parallèle supplémentaire avec l’agriculture humaine »: ces fourmis élèvent aussi une bactérie pour protéger leur culture de champignons, comme les humains utilisent un insecticide pour protéger leurs récoltes.

 

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https://www.boursorama.com/actualite-economique/actualites/une-fourmi-coupe-feuille-se-protege-avec-une-armure-biominerale-a03ff7a19df8b6e56059e6a759e31448

 

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L’ancêtre préhistorique des « Dents de la mer » a grandi en pouponnière

AFP25/11/2020 à 15:51

Vue d’artiste signée Hugo Salais, du Metazoa Studio, représentant un Otodus megalodon, l’ancêtre préhistorique du requin blanc ( METAZOA STUDIO / Hugo SALAIS )

 

Un endroit idéal pour bien grandir: le mégalodon, ancêtre géant du grand requin blanc, parquait sa progéniture dans des pouponnières naturelles d’eaux chaudes et peu profondes, pour lui permettre d’atteindre sa taille d’adulte à l’abri des prédateurs, selon une étude parue mercredi.

Aujourd’hui, plusieurs familles de requins ont elles aussi recours à cette stratégie de reproduction dans des zones protégées, où la nourriture est abondante. En diminuant la mortalité au stade juvénile, elle augmente la viabilité des populations adultes et joue donc un rôle clé dans la survie d’une espèce menacée.

Elle s’avère d’autant plus cruciale pour les espèces marines géantes, à faible fécondité et à la maturité sexuelle tardive, ce qui était le cas du mégalodon, disparu il y a environ 3 millions d’années, explique cette étude publiée dans The Royal Society journal Biology Letters.

L' »otodus megalodon » est l’un des plus grands et des plus puissants prédateurs à avoir vécu: il pouvait mesurer jusqu’à 18 mètres de long à l’âge adulte – trois fois la taille du plus grand des requins blancs, rendu célèbre par « Les dents de la mer » de Steven Spielberg en 1975.

En tant que superprédateur, le géant des océans n’avait pas de rivaux dans les eaux chaudes et tempérées des océans, où il se repaissait de plus petits requins, et même de baleines.

Mais sa progéniture, elle, était vulnérable aux attaques d’autres requins. Et ce pendant de longues années, puisque les petits mégalodons mettaient environ 25 ans à atteindre leur taille adulte, d’après les analyses des fossiles des colonnes vertébrales de spécimens.

– Mesure des dents –

D’où la nécessité de les mettre à l’abri dans les plateaux continentaux sous-marins, zones peu profondes et riches en petits poissons.

L’existence de ces structures était déjà connue, mais uniquement dans des zones très localisées. « Notre étude montre qu’elles étaient largement répandues, à la fois dans le temps et dans l’espace », dit à l’AFP Carlos Martinez-Perez, biologiste à l’Université de Valence en Espagne, l’un des auteurs.

L’équipe de recherche a révélé une ancienne pouponnière au large de la province de Tarragone sur la côte nord-est de l’Espagne, après observation de collections de dents de requins, au Musée del Cau del Tauro de Tarragone.

« Beaucoup de dents nous ont semblé bien petites pour un animal aussi grand », raconte le chercheur. En mesurant les dents, dont la taille est proportionnelle aux mensurations corporelles, ils ont déduit que la zone fut jadis densément peuplée de jeunes mégalodons longs de 4 à 10 mètres, qui perdaient constamment leurs dents durant leur croissance.

Ils grandissaient là, dans une « baie chaude, peu profonde, reliée à la mer et protégée par de vastes récifs coralliens, peuplée de nombreux invertébrés, petits poissons, raies, mammifères marins… un endroit parfait pour la croissance », décrit le biologiste.

Les chercheurs ont ensuite comparé ces nouvelles données à des spécimens de dentition déjà recueillis sur huit autres sites du continent américain. Ils en ont conclu que quatre d’entre eux (deux aux Etats-Unis et deux aux Panama) avaient été peuplés majoritairement de jeunes requins, vivant sous domination adulte, avec une structure correspondant à des aires de nourrissage ou d’accouplement, et donc des pouponnières.

Cette stratégie de protection pourrait expliquer pourquoi les mégalodons ont pu prospérer pendant toute l’ère du Miocène, il y a entre 23 millions d’années et 5 millions d’années.

Mais la méthode ne semble pas avoir résisté au refroidissement climatique qui a suivi, à l’ère du Pliocène: avec la baisse du niveau de la mer, Otodus Megalodon a trouvé de moins en moins de zones côtières où réfugier ses petits, et s’est peu à peu éteint.

 

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